Test d'Elizabeth Swann

La chaloupe coulait doucement. Elle avançait vers la terre. La jeune femme à son bord, pourtant, se refusait de regarder la plage qui s'offrait à elle. Elizabeth n'avait pas revu Port Royal depuis des lustres. A vrai dire, sa petite ville lui avait manqué. Mais toute sa raison lui criait de faire demi-tour. De ne pas accoster. De retourner sur l'Impératrice au plus vite. Elle n'avait plus rien à vivre ici. Elle n'était plus qu'une étrangère, une hors-la-loi. Toute son enfance qu'elle avait passé ici, elle devait l'oublier. Elle devait faire l'impasse sur tout ce qu'elle avait fait. Elle aurait aimé parler à ses vieux amis, mais elle ne pouvait pas. Elle avait mis son tricorne penché vers l'avant pour cacher un minimum son visage et ses cheveux étaient noués dans un chignon désordonné. Elle n'était plus Elizabeth Swann, fille du Gouverneur, femme accomplie. Elle n'était qu'une pirate, qui mettait sa vie en péril en revenant à Port Royal. Et rien de plus. Comme si ces dix dernières années n'avaient pas existé.

Ses pieds touchèrent le sable, et elle se hâta de se mêler à la foule de la grand-rue de Port Royal. Elle n'était pas ici pour se lamenter. Son bateau avait subit de lourds dégâts après la dernière tempête et les pièces adéquates pour le réparer ne se trouvaient qu'ici. Lizzie maudit Sao Feng en silence. Revenir dans cette ville soulevait en elle une vague de nostalgie, une vague qu'elle aurait voulu refouler. Elle ne regrettait pas sa vie d'avant, elle était très heureuse, alors pourquoi sa gorge était-elle nouée ? Pourquoi son cœur était-il si lourd ? Elle passa devant la caserne militaire et elle repensa à James Norrington. Elle n'avait jamais ressenti d'amour pour lui, mais ça avait été un bon ami durant son adolescence. Peut-être même son meilleur ami, mais elle n'avait jamais rien fait d'autre que de le blesser. Elle passa devant la cour où se déroulaient les évènements importants, et elle pensa à toutes les cérémonies qu'elle avait supporté avec son père. Son père chéri, son père perdu. Désormais loin, dans l'antre de Davy Jones, où il resterait pour l'éternité. Dire que la dernière fois qu'Elizabeth l'avait vu, il était seul sur une petite barque, semblable à celle où la jeune femme avait accosté sur l'île il y a quelques instants. Cruelle coïncidence. Elle chassa les larmes qui perlaient à ses yeux, et continua son chemin. Elle aperçut au loin le ponton où Jack Sparrow l'avait sauvé de la noyade. Jack. Elle ne savait pas si elle devait le remercier ou lui en vouloir de l'avoir sorti de sa parfaite petite vie de noble. Sans doute un peu des deux. Lizzie avait toujours voulu une vie pleine d'aventures, et c'est ce que Jack lui avait offert. Mais désormais ils voguaient chacun de leur côté, et la vie était bien plus calme sans lui. Certes, elle avait un bateau pour elle seule et l'homme qu'elle aimait à ses côtés, mais il lui manquait un but à sa vie. Un objectif, un chemin à suivre. Alors elle voguait avec Will sur l'Impératrice, comme une âme perdue, attendant enfin une quête à accomplir.

Elle arriva enfin devant le magasin qu'elle cherchait. Vente de matériaux pour navires en tout genre. Le plus complet et le plus prisé des Caraïbes, sans aucun doute. Le gérant était un ami de son père. Elizabeth ajusta son tricorne, priant de toutes ses forces pour ne pas être reconnue, et entra. Elle salua à peine le vieil homme. Elle préférait être prise pour une impolie plutôt que d'être envoyée à la potence. Après tout, toute la bourgeoisie de Port Royal savait désormais qu'elle s'était détournée vers la piraterie. La jeune femme s'empressa d'aller au deuxième étage, ne s'attardant pas sous le regard du gérant. Une fois là-haut, elle enleva son chapeau et laissa ses cheveux retomber sur ses épaules. Elle allait pouvoir chercher les pièces pour son bateau et filer loin de cette ville. Mais c'est alors qu'elle vit qu'elle n'était pas seule. Il y avait avec elle un jeune homme, d'une allure plutôt classe, à la figure agréable. Un frisson parcourut le dos de Lizzie. A ses vêtements, on devinait quelqu'un de plutôt riche. Elle ne croyait pas l'avoir déjà vu, mais si lui la connaissait ? Et s'il la dénonçait aussitôt ? Elle tenta de se calmer et de prendre l'air le plus noble qu'elle connaissait. Ses habits de pirate la dénonçaient bien sûr, mais autant jouer le jeu autant que possible.

- Bonjour monsieur, dit-elle d'un ton faible, tandis qu'elle faisait tout pour masquer la peur dans sa voix.